Exposició temporal 2

SCAN PHOTOBOOKS: "El que és possible també és realitat", par Natasha Chirtia

 

S’il fallait résumer l’histoire de la photographie en un seul domaine, ce serait sans doute celui des livres photo urbains. Sur la double page, des genres tels que les symphonies urbaines, la Japanese Provoke ou la photographie de rue avec son esprit flâneur, invoquent et évoquent la ville photogénique. « Cette mégalopole aux deux faces, mère et castratrice, effigie du progrès et de la perversion », selon les mots de l’historienne Françoise Choay, devient un lieu indissociable de l’euphorie, de la mélancolie, voire du désespoir, qui accompagnent l’expérience de l’ère industrielle et postindustrielle.

« Le possible est aussi la réalité » reconnaît cet héritage, choisissant néanmoins de se tourner vers les entrailles de la ville mondialisée et hyperconnectée de notre époque. Au-delà d'utiliser les images comme de simples reproductions de ce qui est déjà visible, les publications rassemblées dans cette exposition font apparaître de nouvelles visibilités. De même, ils suggèrent qu’au sein du documentaire photographique, d’autres imaginaires non totalisants sont possibles.

Les livres photo sélectionnés dans « Ce qui est possible est aussi réalité » offrent des espaces d’engagement inattendus. Ses thématiques sont liées à l'idée de marginalité. La ville est ici comprise comme une forme d’imaginaire politique, continuellement soumise à un processus dialectique d’expérimentation, d’inclusion et d’exclusion en termes d’organisation et de coexistence. Assumée comme une enclave de flux et de différences, elle ne peut se concevoir sans ses banlieues ou ses périphéries mondiales. Ni sans la décentralisation, la délocalisation et les collectivités abstraites vécues au quotidien. Il n’y a plus de périphéries et de centres, de métropoles de premier ou de second ordre, ce sont les diasporas et les subalternes qui génèrent les identités.

Les méthodologies établies au sein de ces publications rompent avec le binôme caméra-monde, privilégient les modes collaboratifs et spéculatifs et nous invitent à réfléchir sur l’usage des images et sur ce qu’on peut en faire. Non seulement ils dessinent des horizons d’émancipation et de transformation collective, mais ils les mettent aujourd’hui à l’épreuve. Autrement dit, ils répètent la poussée et l’attraction constantes de différentes pratiques de connexion qui se produisent simultanément entre l’espace urbain et les communautés qui l’habitent, la plupart du temps sans se cristalliser en un consensus définitif. Leurs stratégies visuelles impliquent des voix de résistance, de résilience, de non-normativité et de transgression face aux forces mondiales et locales qui cherchent à régulariser les divisions et hiérarchies biopolitiques et environnementales.

De nature utopique, ses positions critiques ouvrent la voie à un paysage de coexistence qui transcende la simple réalité. Ils appellent, paraphrasant le philosophe et sociologue Henri Lefebvre dans La Révolution urbaine (1970), à cesser de considérer les villes que nous créons et celles que nous imaginons comme deux formes distinctes, puisque « le possible est aussi la réalité ».

Commissaire : Natasha Christia

 

 

+ Informations sur les festivals: https://scan.cat/photobooks-scan/