Exposition Tempête
Mari Chordà... i moltes altres coses
02/02/2024 - 28/04/2024
A cura de Teresa Grandas
Mari Chordà (Amposta, 1942) utilise l’image, la langue ou l’action sociale en tant que matériel pour son œuvre et comme des éléments constitutifs de sa vie. L’artiste, l’écrivaine, poétesse et activiste est un tout indissociable qui sous-tend une attitude et des convictions qui déterminent l’axe vertébral de son travail et de sa vie. Elle évolue dans un présent continu, dans lequel tout ce qu’elle fait est une expérience simultanée, inséparable. Observatrice active et attentive de la réalité qui l’entoure, elle ressent le besoin d’y prendre part, d’agiter et de subvertir ce qu’elle voit, selon des principes déterminés par le féminisme, en réponse au contexte étouffant du franquisme, mais maintenus dans le temps face à une société qui devra encore changer plusieurs de ses valeurs, et qui doit restituer la visibilité et la reconnaissance du travail des femmes.
Elle créa Lo Llar à Amposta, un espace qui fut pendant deux ans un centre d’activités culturelles proposant des concerts, des expositions et d’autres activités. Plus tard, à Barcelone, elle créa laSal avec un groupe de femmes : un bar-bibliothèque conçu comme un espace pour échanger, se soutenir et recevoir des conseils. Ce lieu devint laSal, Edicions de les Dones (Éditions des femmes), une maison d’édition consacrée aux autrices de littérature et d’essais. laSal était un endroit idéal pour passer du bon temps : « On passait notre temps à générer des mots, de la musique et, surtout, du plaisir […]. Le plaisir est très subversif. »[1] Tout ce que Mari fait est traversé par le besoin de profiter, par le jeu, ce qui ne retire pas la légitimité de lutter contre la situation des femmes ou sa propre pratique, mais qui la renforce. La revendication du plaisir est très présent en tant que besoin et comme un outil pour voir le monde et, surtout, pour y habiter, pour briser ce qui avait été établi, qui reléguait les femmes à la passivité ou à la négation. Le jeu est également présent dans ses sculptures basées sur l’interaction et la mobilité, qui surgissent à partir de la première qu’elle créa, un jouet pour sa fille.
Pionnière de sa génération à exprimer la sexualité féminine libre, à parler du plaisir, de la maternité et de relations lesbiennes dans sa peinture et sa poésie, elle peignit le premier Vagin en 1964, alors qu’elle était encore étudiante à la Faculté des Beaux-arts (anachronique) à Barcelone : « J’imaginais le corps féminin de l’intérieur, avec quelques souvenirs des formes, mais c’était un figuratif pas du tout réaliste ».[2] Elle peint les fluides du corps, les sécrétions, les organes sexuels ou les coïts non pas depuis l’abjection, mais en utilisant des formes et des couleurs attirantes, très proches de la sensibilité visuelle du pop ou du style psychédélique, dans lequel elle revendique un érotisme total.
Son œuvre est un NON constant, dans une approche de plaisir et de plénitude. Elle revendique la culture et le territoire, l’enracinement, qu’elle relie à une façon d’aller de l’avant et de faire son chemin. Elle revendique la promotion de la recherche en tant qu’outil pour donner de la visibilité aux femmes. Elle ne veut pas construire une mémoire, mais elle veut être un outil de changement de la mémoire construite et du regard de présent et d’avenir. Mari Chordà ne peut s’empêcher de dénoncer ce avec quoi elle n’est pas d’accord, comme à l’occasion du discours d’Amposta en 2022, où elle parla de la maltraitance envers les animaux lors des fêtes du village, qui encourageait les mauvais traitements au nom de la tradition. Peindre, écrire, jouer ou se positionner sont des formes de restitution de ce présent continu que proclamait Gertrude Stein et qui soutient l’engagement politique de Mari Chordà.
Teresa Grandas
[1] Documentaire I moltes altres dones (Et beaucoup d’autres femmes) Idée originale : Sonia Trigo et Dolors Marín. Réalisé par Sonia Trigo, Andrea Corachán, Nacheli Beas, Marta Muñoz, Begoña Montalbán et Maria Romero García. Centre de Culture de Femmes Francesca Bonnemaison, 2007.
[2] Documentaire Dones amb nom propi (Des femmes en pleine puissance) Canal 21 Ebre, 22 septembre 2015, https://www.youtube.com/watch?v=oVj6Ech_DX8
Mari Chordà... i moltes altres coses est une coproduction du MACBA, du Museu d'Art Contemporain de Barcelone et du Museu d'Art Modern de la Diputació de Tarragona.